mercredi 13 octobre 2010

Citoyens du monde de seconde classe

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On peut lire, sur le site de l'un de ces ouvroirs qu'Internet secrète, que l'on vit désormais dans des "pays numériques" ("We No Longer Live In Actual Countries But Digital Ones"). Affirmation qui emprunte à la Carte du Village de Tendre et au "village mondial" : à Mademoiselle de Scudery pour l'euphémisation "précieuse" des relations internationales, à M. McLuhan pour la mondialisation par les technologies de communication.

Internet n'a pas atténué les notions de nation et de frontières mais les a plutôt renforcées en les rendant moins visibles. Rien n'a changé depuis la poste, les octrois et les douanes. La fiscalité des Etats règne sur Internet comme ailleurs, les réglementations nationales s'y épanouissent et l'on s'y soumet. Les adresses IP assignent à résidence ceux qui se croyaient citoyens du monde numérique. Allez donc, en Europe, utiliser Hulu ou quelque autre site de télévision étrangère, impossible. Interdit. Apple précise pour ses utilisateurs : "The iTunes Store, iBookstore, and App Store are available only to persons age 13 or older and in the U.S.".  Allez donc configurer Google pour une adresse dans un pays autre que celui où vous trouver au moment où vous effectuez une recherche ; c'est impossible ("You can only specify a location in the country of your current Google domain"). Et le topos de Google d'expliquer que c'est pour notre bien : "Google knows best". Le ciblage se cale automatiquement sur les langues et les adresses IP : l'annonceur de "votre pays" vous suit sur les sites étrangers, se substituant aux annonceurs d'origine. Il faut de plus en plus d'énergie sur Internet pour être et penser comme à l'étranger.
La Sainte Alliance des très grandes entreprises américaines d'Internet, prétendument mondiales, échappent à la fiscalité des pays qu'elles investissent (optimisation fiscale) mais renoncent à être internationales pour n'être que pluri-nationales pour être efficaces commercialement. Comme la télévision et la presse, Internet gère ses "débordements frontaliers" et abandonne toute prétention mondiale.
Internet déçoit beaucoup d'espérances, d'illusions interculturelles et internationalistes. 
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1 commentaire:

  1. Merci pour cet article et les nombreux exemples qui montrent clairement qu'Internet n'est pas aussi international qu'on pourrait le croire. Il est bien dommage qu'Internet ne soit pas ce village mondial qu'on nous avait promis. Pourtant, je constate que certains sites comme la chaîne de télévision allemande Sixx font des efforts pour que leurs épisodes soient disponibles depuis l'étranger, dont la Suisse. Alors, je garde un peu d'espoir pour l'avenir du web comme lieu de partage international.

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