lundi 31 janvier 2011

Etude coïncidentale TV en Allemagne

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Karl-Heinz Hofsümmer, "Reichweitenmessung im Fernsehpanel 2010: Valide Daten für Werbung und Program. Ergebnisse eines Externen Coincidental Checks des AGF/GfK-Fernsehpanels, Media Perspektiven, 12/2010, pp. 588-598.

Une étude coïncidentale externe constitue le moyen le plus sûr de contrôler (überprüfen) la qualité d'une autre étude. Dans ce cas, l'enquête par téléphone vérifie la validité des déclarations d'audience effectuées (via télécommande) par les membres d'un panel audimétriques (AGF / GfK).
L'enquête coïncidentale a été menée par TNS EMNID auprès de 8 000 foyers (19 000 personnes de 3 ans et plus), répartis dans tous les Etats de l'Allemagne (Länder). Le terrain a eu lieu en avril -mai 2010. Les résultats de cet échantillon indépendant sont confrontés à ceux de l'audimétrie individuelle, utilisés par le marché publicitaire pour allouer ses budgets (planning, achat).
Dans l'ensemble, l'enquête coïncidentale a confirmé la validité des résultats audimétriques ; les taux d'audience observés s'avèrent légérement supérieurs à ceux de l'audimétrie individuelle. Les écarts les plus importants proviennent de l'audience des 3-13 ans et des 14-29 ans, sous-estimée par l'audimétrie (effet bien connu des audiences hors domicile, chez des amis, etc.).
Cette enquête analyse également la consommation télévisée en différé (zeitversetzte Fernsehnutzung) et les audiences hors domicile, celle des invités (Gästenutzung) mais aussi celle des téléspectateurs qui regardent  à l'extérieur, lors de grandes manifestations sportives (café, bars, etc.). Cette audience, l'audimétrie la sous-estime évidemment, par construction. Enfin, l'enquête apporte des éclairages sur les activités concomitantes de la consommation de télévision : manger, lire, travail domestique, Internet sont les plus importants. Les audiences pendant le travail professionnel et pendant que l'on s'occupe des enfants ("Kinder versorgt") sont négligeables. A retenir : la télé se regarde de plus en plus avec Internet et de moins en moins avec les repas.

Cette enquête, conduite régulièrement en Allemagne, est sur bien des points un modèle du genre (échantillonage, passation, etc.). Un travail plus approfondi pourrait comparer les bases des deux échantillonages : comment valide-t-on une étude de calage ? Notons d'ailleurs que ne sont pris en compte que les foyers avec téléphonie fixe et que les foyers de ressortissants allemands et européens : donc ni les "exclusifs mobiles" ni les populations hors Union européenne. Cela fait déjà beaucoup...

De telles enquêtes, coïncidentales et externes, sont importantes pour le marché télévisuel ; le CESP les recommande en France. Faut-il une validation par une enquête coïncidentale externe chaque fois qu'il y a panel (Internet, etc.) ? Quels quotas doivent être mobilisés, comment les faire évoluer pour prendre en compte des changements sociaux dont le rythme s'accélère : équipements, comportements média, mobilité géographique, professionnelle ? Ces questions méthodologiques, et leurs conséquences économiques, se posent partout dans le monde ; elles deviennent cruciales et appellent de lourds investissments de recherche alors que l'offre de télévision s'accoît de manière... démesurable.
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dimanche 9 janvier 2011

Le Chat nous prend pour qui ?

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Nouvel album BD du Chat (Philippe Geluck) : "Le Chat, acte XVI", Paris, Editions Casterman, 48 p.

Aphorisme sur l'appli iPhone (copie d'écran). 
N'a-t-on pas dit déjà des publicitaires qu'ils
étaient "Mirror Makers" (Stephen Fox, 1990) !

Le Chat ne peut résister aux médias, ou, plutôt, comme il regarde notre société, armé d'humour et d'un espiègle bon sens, il ne peut manquer les médias. Cet album, comme la plupart des précédents compte de nombreuses notations sur la publicité et les médias. Et ses aphorismes, ses sophismes ironiques en quelques bulles, sa trop subtile logique tombent tellement juste. On dirait parfois du Wittgenstein.
Et comme Phillippe Geluck est né dans les médias (RTBF, Le Soir, TV5, France Inter, Europe 1, France 2, Télérama), comme le Chat, à ses heures, fait de la pub aussi (MMA, Volkswagen), ils savent de quoi ils parlent.

Exemple. Dès le haut de la première page, la Chat demande aux lecteurs d'éteindre leur portable, comme on le fait désormais avant le début d'un concert ou d'une représentation théâtrale : "les acteurs du théâtre et les chanteurs d'opéra valent-ils mieux que nous ?" A la fin de la BD, on est invité à rallumer son portable ! Ainsi, en quelques vignettes, est posée la question de l'interaction des médias, de la hiérarchie des usages, etc. Lequel interrompt l'autre ? Mieux que quelques slides sur le multi-tâche !

Le Chat a désormais son appli iPhone. Pour 1,59 €, elle donne accès à un dessin inédit chaque jour, entre autres. Un peu d'humour et de décrassage dès le matin, cela ne saurait nuire. Nouvelle manière de lire les BD : une vignette à la fois. Si l'on considère que 300 vignettes (environ) sont vendues 10 € dans un album, tandis que 300 vignettes par an sont vendues 1,59 € avec une appli, alors, le Chat numérique, c'est vraiment pas cher !
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mardi 4 janvier 2011

Internet en Chine

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Redwired. China's Internet Revolution, Sherman SO, J. Christopher Westland, Marshall Cavendish Business, 246 p. Index.

La Chine domine Internet et le Web par le nombre de pratiquants. Elle y contribue avec des acteurs majeurs, de taille et d'emprise mondiale. La littérature sur le sujet est rare dans les langues occidentales : en Occident, faute de connaître le chinois, la Chine reste une "nation parlée" par les autres. Cet ouvrage est dans cette lignée. Ces limites entendues, il apporte des données et des informations indispensables pour aborder le web chinois. Notons que sa trame est celle d'un dialogue Chine / Etats-Unis : l'absence de l'Europe, de ses universités, de ses chercheurs, de ses entreprises est criante. L'Europe semble hors-jeu de cet ouvrage consacré à l'économie de l'innovation numérique. Il y a là un involontaire avertissement.

Evoquons d'abord les statistiques. Ce sont d'abord quelques pages en fin de volume, issues du CNNIC, d'Analysys International et de IDC. N'étant pas accompagnées d'un mode d'emploi élémentaire (production, limites de fiabilité, benchmarks, etc.), elles sont difficiles à interpréter. Les autres données citées sont celles que publient les sociétés étudiées. Beaucoup de ces données sont déjà trop anciennes, donnant à ce livre une tonalité historique, néanmoins utile. On observe des coups déjà joués, des parties achevées.
Le livre passe en revue l'itinéraire des grandes entreprises du numérique chinois et compare leur modèle d'affaires avec celui de leurs équivalents américains : les confrontations des couples Sina / Yahoo!, Baidu / Google, Ctrip / Expedia, Taobao / eBay, PayPal / Alipay, Amazon / Dangdang, Tencent-QQ / ICQ, Youku / Youtube sont éclairantes. Cette approche comparatiste est féconde et illustre les différences entre les modalités de la réussite aux Etats-Unis et en Chine.
N.B. Une mise à jour sur le Web et un glossaire chinois / anglais compléteraient utilement ce travail.

Au-delà de la description minutieuse des grandes entreprises du numérique chinois, que retenons-nous ?
  • L'importance des Etats-Unis dans le développement du numérique chinois. 
    • Financements (seed money, NASDAQ, à l'exception notoire de QQ/Tencent financé par un groupe sud-africain )
    • Formation des cadres et innovateurs par les universités (Stanford, Georgia Tech, Concordia College, SUNY Buffalo, MIT, Carnegie Mellon, etc.) et les grandes entreprises (Yahoo!, Oracle, Sybase, Merrill Lynch, Microsoft, General Electric, etc. ).  
    • Les expatriés retour d'Outre-Mer (海归) rapportent en Chine des savoir faire, des idées et l'envie de réussir. 



  • Les auteurs font percevoir les avantages d'être chinois (la langue, le soutient de l'Etat, la connaissance des rouages administratifs et économiques, implicites et tacites) et les erreurs commises par les étrangers : 
    • Ancrage et insertion locaux insuffisants (cf. les échecs de eBay, de Google).
    • Sous-estimation des différences : voir la Chine avec des préjugés occidentaux
L'adaptation à la situation chinoise d'un modèle américain ne va pas de soi. L'imitation pure et simple échoue. En fait, plus qu'apprendre les manières américaines aux Chinois, il faudrait apprendre les manières chinoises aux sièges américains, qui voient la Chine de loin, en ignorent les langues et les cultures (cf. la leçon ancienne et si actuelle de Matteo Ricci). Les erreurs de jugements des VC américains ou, pire, américanisés, relèvent d'abord d'un superbre ethnocentrisme. Ce que dit tacitement cet ouvrage, c'est que le temps la condescendance est révolu.
Le XXI ème siècle sera chinois et numérique.
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dimanche 2 janvier 2011

L'histoire, le tabac et la loi

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André Malraux fumait des cigarettes, Coco Chanel, Gainsbar aussi. Lui, qui n'était que fumeur de Gitanes, allait jusqu'à prétendre que "Dieu est un fumeur de Havanes", Jean-Paul Sartre fumait des Boyards papier maïs, Jacques Tati fumait la pipe, Freud des cigares, Thomas Mann, Lacan aussi, certains de forme bizarre d'ailleurs.... En vertu de la loi Evin qui protège la population des méfaits du tabac, des images "historiques" de ces personnages ont été modifiées pour en faire disparaître toute trace de tabac ! On a retiré sur un timbre poste la cigarette de Malraux, celle de Sartre sur une photo... L'ARPP a pris des dispositions de bon sens sur cette question (mai 2009).
Des parlementaires viennent de déposer une proposition de loi allant dans le même sens : "concilier la préservation des oeuvres culturelles et artistiques avec les objectifs de la lutte contre le tabagisme" dont l'article unique serait le suivant : "Les falsifications de l’histoire, la censure des oeuvres de l’esprit, la dénégation du réel avec en particulier la retouche photographique, doivent rester la marque infamante des régimes totalitaires. Aucune cause ne peut justifier que les démocraties empruntent le même chemin. Le goût prononcé des sociétés occidentales pour un hygiénisme normatif de plus en plus coercitif ne doit pas servir de caution à de telles dérives".

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