dimanche 19 juin 2011

Occupations littéraires : presse et livre en territoire nazi

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R.0. Paxton, O. Corpet, C. Paulhan, Archives de la vie littéraire sous l'occupation. A travers le désastre, Paris, Taillandier, IMEC, Index, 446 p.

Faire et faire voir l'histoire de la presse et des écrivains. Quelle fut la vie "littéraire" en France durant la période nazie, qui ne fut pas un "désastre" pour tout le monde, notamment pour la presse et les écrivains ? Une exposition à la mairie de Paris et son catalogue en dressent les contours. L'ouvrage regorge de documents de toutes sortes et tempère les lectures manichéennes. Malgré tout, l'impression qui ressort de cette accumulation est accablante : les écrivains ne sont pas des gens plus formidables que les autres, le talent ne leur épargne ni la couardise, ni la bassesse.

La collaboration mérite son nom : "travailler avec". La France, rappelle Paxton, était la "cour de récréation de l'Europe nazie" (p.13). Les nazis orchestraient délibérément et habilement le "consentement" de la population française, ils en avaient besoin pour concentrer leurs troupes sur d'autres fronts. Ce besoin exprimé par les nazis donne tout son sens, et son seul sens, au consentement français, au comportement de ceux qui ont continué comme avant. Où commence la collaboration ? Etre publié (Esa Triolet, Louis Aragon) et joué (Albert Camus, Jean-Paul Sartre) durant ces années, n'est-ce pas contribuer à l'acceptabilité d'une France nazie, faciliter la vie des nazis en France ?


Si la plus grande partie de la presse collabore (sauf Le Figaro et L'Aube), la Résistance donne naissance à plus d'un millier de titres clandestins et même à une maison d'édition (Minuit). La presse et les revues, avant la radio et l'affiche, sont alors le média de la résistance.

Le rôle de l'écrit pendant cette période est souligné et analysé, superbement, trop brièvement, par Jérôme Prieur : le fichage de la population et de ses activités n'a pas attendu le numérique. Les cartes de toutes sortes pullulent, les bons, les tickets, les laisser-passer... Marketing ! Les nazis savaient beaucoup de la vie privée des Français, qui ont bien contribué à cette connaissance : cinq millions de lettres anonymes adressées à la police et à la Gestapo !

Cette exposition et son catalogue sont aussi l'occasion d'une réflexion sur l'archive et la mémoire. On ne sait que ce qui a été conservé. Les "résistants" ne doivent pas laisser de traces, les "collabos" ne rêvent que d'en laisser. Inégalité devant l'archive ! De telles expositions aident à mieux comprendre cette période et surtout le rôle que jouent l'écrit et l'imprimerie, l'encre et le papier, dans une société. D'ailleurs, le catalogue est plus commode que l'exposition : le tout manque d'ailleurs de reprise numérique, une appli serait bienvenue tant pour suive l'exposition que pour en retrouver les documents (iPad).

Eléments de l'exposition

dimanche 5 juin 2011

Bibliothèque numérique du Figaro

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Cela n'a pas fait beaucoup de bruit, c'est bien dommage.
Voici une application gratuite (iPhone, iPad), bien faite, qui propose des ouvrages repris de la collection publiée en 2008 par Le Figaro et les Editions Garnier. Bibliothèque d'ouvrages classiques que l'on étudie, ou étudiait ou devrait étudier dans les classes. La présentation est claire, la lisibilité excellente, l'ergonomie essentielle évidente. Reste à augmenter le nombre d'oeuvres proposées.
Copie d'écran d'Ipad. Sommaire pour une oeuvre.

Accompagnant chaque texte intégral, l'éditeur fournit quelques outils complémentaires : résumé, indications biographiques, situation de l'oeuvre, sélection de passages clés, dont l'un est lu à haute voix.
Un dictionnaire intégré manque toutefois terriblement. Cela permettrait -d'autres applis le font (iBook, Kindle)- d'un simple click, d'accéder à la définition plus ou moins détaillée d'un mot. Indispensable pour lire des oeuvres anciennes.

Les forts en thème trouveront à redire : la documentation est restreinte, les fonctionnalités limités, etc. Certes. L'ambition de cette bibliothèque n'est pas, à ce stade, de constituer des outils scolaires mais de disposer de ces textes sur un support mobile, tablette ou smartphone,  pour le plaisir de lire.

Finalement, la presse renoue avec son histoire, lorsque, au 19e siècle, elle publiait en feuilleton certains de ces grands textes quand leurs auteurs étaient vivants : Balzac, Baudelaire, Gauthier...
Pour une prochaine mise à jour, on aimerait un dictionnaire, un moteur de recherche plus riche, des signets plus commodes.

N.B. A propos de "Un coup de dés" : pourquoi n'avoir pas profité des possibilités du numérique pour restituer une édition adaptée aux exigences mallarméennes de mise en page, au lieu de réduire ce poème à une désolante et linéaire uniformité ?
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