vendredi 16 décembre 2011

Vivre autrement ? Quelle place pour le numérique ?


25. August 2011.  "Les temps modernes exigent trop de nous. Pour l'argent et la carrière, nous vendons notre âme"
"Nous avons tout faux", proclame Tom Hodgkinson, à la une de l'hebdomadaire Die Zeit, il y a quelques semaines (mot à mot : "nous vivons dans le faux sytème") : "Nous pourrions organiser notre vie et notre travail autrement". Faire la une de cet hebdo de langue allemande n'est pas donné à beaucoup d'auteurs. Pourquoi Hodgkinson ? Pourquoi est-il traduit en allemand et pas en français (à ma connaissance) ?
Encart promotionnel dans The Idler pour le site de l'éditeur 

Ce provocateur tranquille est l'auteur de nombreux livres exaltant la vie à la campagne, le refus du salariat, de la publicité, du commerce de masse, de l'école parking, des médias... Dénonciation paisible d'une société de consommateurs asservis, de la compétition, du rendement, du marketing, de tout ce qui enchaîne... Eloge de l'oisiveté : The Idler emprunte son titre aux 103 essais de Samuel Johnson (1709-1784), l'auteur du premier dictionnaire de l'anglais, et qui a inspiré Hodgkinson.

Echos de Summerhill (A.S. Neill), des Choses (G. Pérec), de Walden (H.D Thoreau), de "la classe loisir" (T. Veblen), du Droit à la paresse (P. Lafargue), du situationnisme (R. Vaneigem, G. Debord)... Eloge de la nature et du retour au village. On pense surtout en lisant Hodgkinson à l'adage grec, "Prenez soin de vous", que commente longuement Michel Foucault dans ses cours au Collège de France (epimeleia heautou) auquel la tradition occidentale a préféré le "Connais-toi toi-même" (gnothi seauton). Il y a peut-être aussi dans tout cela du John Lennon : "Imagine all the people living for today"...

Quelle place occupent les technologies numériques dans cette vision du monde ?
Tom Hodgkinson n'aime pas les ordinateurs ("the tyranny of computers"), il déteste les écrans ("screen worlds") de télévision, les jeux vidéo et encore plus Facebook (cf. infra) et Twitter (cf. illustration).  Mais il admet que le Web peut présenter des aspects positifs même si la publicité le défigure (jamais notre détracteur de la publicité ne propose un modèle économique alternatif). L'auteur tient d'ailleurs un blog / magazine, The Idler qui fait également l'objet de publication en livres.
Hodgkinson admet pourtant qu'il lui arrive de commander des livres, de consulter des horaires en ligne, d'écrire des courriers sur son ordinateur... et, sans craindre la contradiction, il publie certains de ses ouvrages pour le Kindle (Amazon).

Dommage que l'auteur se laisse aller à ses élucubrations convenues sur les écrans, l'informatique, la télévision même si, une fois achevées les grandes dénonciations, enfin réaliste et lucide, il recommande aux parents : "N'interdisez pas. Minimisez" ("Don't ban. Minimize"). Attitude pragmatique, en effet, que l'on peut étendre à la plupart de ses critiques de la société contemporaine.

Le Web et son outillage méritent pourtant un approfondissement critique : peut-il y avoir une technologie de la libération ? A quoi riment les oppositions telles que lire / twitter (cf. supra, "Read, don't twitter) ou les affirmations ridicules telles que "everything a computer can do can be done with more pleasure by the old ways" (The Idle Parent) ?

Iconoclastes, les écrits de Tom Hodgkinson poussent parfois ses raisonnements jusqu'à l'absurde et la mauvaise foi, c'est le genre qui le veut. Malgré tout, ils sont stimulants, agréables à lire et, surtout, ils apportent un peu d'air frais et de salutaire contestation dans l'univers clos et égocentrique des médias et de la publicité. Un peu d'insatisfaction et de générosité ne saurait nuire pour contrebalancer les illusions iréniques et intéressées que propagent des gagnants du Web.




Quelques ouvrages de Tom Hodgkinson :
  • We want everyone. Facebook and the New American Right, Bracketpress (je ne l'ai pas trouvé, donc pas lu...)
  •  The Idle Parent, London, Penguin Books, 2009 (kindle edition)
  • The Freedom Manifesto, London, Harper Perennial, 340 p.
et un article de la même veine : "sickness in our industry", in Fast Company (August 2012).

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