dimanche 1 janvier 2012

La rumeur en Grèce ancienne

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Francis Larran, Le bruit qui vole. Histoire de la rumeur et de la renommée en Grèce ancienne, Presse Universitaire du Mirail, 2011, 210 p., Bibliogr., Index. 21 €

Travail d'historien et d'helléniste, thèse soutenue en 2008. L'intérêt de ce travail pour des spécialistes des médias et de la publicité est de mettre en perspective les développements actuels des notions de rumeur, de renommée (influence, réputation), de on-dit sous l'effet de la demande des réseaux sociaux, Facebook et Twitter principalement.
Ces notions et les pratiques sociales qu'elles évoquent sont anciennes. Francis Larran dresse un inventaire des bruits publics qui semble exhaustif, inventaire méticuleusement référencé. Ses sources sont essentiellement littéraires (poésie épique, théâtre, histoire).

Certains chapitres sont très actuels : par exemple, le chapitre 2 de la première partie consacré aux "modalités de diffusion des bruits publics" évoque la vitesse de propagation des rumeurs, problème loin d'être maîtrisé.
L'analyse du vocabulaire est au coeur des recherches actuelles sur le Web et sur les réseaux sociaux (cf. Suivre le cours des actions publicitaires). Francis Larran étudie le vocabulaire (exemple : les verbes), le champ lexical et l'énoncé de la rumeur, de ses métaphores aussi. "Mots ailés", les rumeurs, souvent identifiées aux oiseaux,"volent"; les rumeurs qui n'ont pas d'ailes sont  dites "stériles". Voir aussi, dans le Chapitre 2 de la quatrième partie, la comparaison du vocabulaire d'Hérodote avec celui d'Aristote, de Thucidide chez qui Francis Farran distingue un disciple d'Hippocrate, partisan de l'observation, laïcisant l'histoire, comme Aristote (les dieux ne jouent plus aucun rôle dans l'explication). L'analyse lexicale se poursuit avec Xenophon et Polybe.

Où se racontent, comment se colportent les rumeurs ? Sur la place publique (agora), au marché, dans les échoppes et les boutiques (forge, barbier, banquier), les banquets, les gynécées, etc. Mais aussi des lieux prestigieux (l'ecclesia, le tribunal), près des sanctuaires...
L'auteur souligne combien la fréquentation de ces lieux et donc la diffusion des bruits est réglée selon la hiérarchie sociale. Mais il existe des bruits qui transcendent les barrières sociales, ceux qui concernent la sécurité de la communauté et qui vont contribuer à la solidarité de cette communauté et faciliter l'acceptation (conflits, menaces, etc.). Où l'on retrouve le débat autour d'Habermas et l'espace public en Grèce.

Ces notions de réputation, de viralité (viral reach) et de rumeur pourraient se construire un statut de concept avec les analyses autant quali que quanti conduites sur les réseaux sociaux. Cet ouvrage inspirera des travaux et des comparaisons fécondes avec les situations contemporaines. Comment se propagent les bruits dans les mondes sans média (plus encore que le XVIIe siècle) ? Que trahissent les mots de la rumeur, quelles croyances ? Comment les médias traitent-ils la rumeur (ce qui distinguerait sans doute les médias) ?
Les étude médias gagneraient à exploiter de tels travaux : ils les désenclaveraient des textes et pseudo recherches commis à fins d'auto-célébration (PR)... et pour alimenter des rumeurs commerciales favorables.
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