dimanche 2 mars 2014

La maison du pasteur, centre de culture, objet de recherche



Leben nach Luther. Eine Kulturgeschischte des evangelischen Pfarrhauses, Deutsches Historisches Museum, 2014, Verlag Klötter, Bibliogr., Index, 247 p., 25 €

Voici le catalogue d'une exposition qui s'est tenue à Berlin, au Deutsches Historisches Museum, exposition consacrée à la vie selon Luther dans les pays du Nord de l'Europe principalement (on n'y parle pas de la France, pas plus que des Etats-Unis). Plus de cinq cents tableaux et objets courants pour reconstituer une atmosphère, évoquer un habitus culturel, un idéal social.

Au cœur du dispositif de diffusion du protestantisme se trouvent le pasteur et la famille pastorale, la femme et les enfants puisque le célibat n'est pas requis. Luther est marié et a des enfants. Aussi l'iconographie protestante montre-t-elle beaucoup d'images de la famille avec le pasteur, simplement mais dignement, au milieu des siens, au centre de leur attention.
Le presbytère (das Pfarrhaus) est bien sûr un lieu privé mais c'est aussi un lieu public, ouvert à la communauté, c'est un lieu social, de rencontre, d'enseignement, d'inculcation culturelle ("kulturell-gesellschaftliche Prägekraft"). Le pasteur s'y trouve en représentation, acteur. Pour des raisons presque didactiques, il met en scène sa propre maison (cf. le chapitre : "Die Selbst-Inszenierung des Pfarrhauses") et donne l'exemple. Il est - des tableaux le rappellent - celui qui garde le troupeau.

L'exposition évoque par le menu le métier quotidien du pasteur, métier de communication, illustré d'outils et de symboles : sablier pour chronométrer le prêche, bureau, bibliothèque, cahier de comptabilité, calendrier, registre des baptèmes et décès, journal (Tagebuch), sans oublier le long bâton muni de clochettes pour réveiller ceux qui somnolent pendant le prêche (c'est le rôle du "surveillant", "Kirchenaufseher").
Le livre, symbole de l'attitude studieuse qui convient à la piété, est omni-présent et joue un rôle essentiel. Outil de connaissance, c'est un symbole d'autorité aussi : le pasteur devant ses auditeurs tient le livre comme un sceptre (cf. Emile Benvéniste, Vocabulaire des institutions européennes, 1969). Le protestantisme ne doit-il pas sa propagation première à l'imprimé et au livre ?

Pourtant, tout cet humanisme n'aura pas empêché certains pasteurs de "dérailler" et de soutenir, parfois activement, le nazisme (chapitre : "Fatale Entgleisungen"). D'autres ont résisté au nazisme, telle Agnes Wendland, pasteure (Pfarrfrau) à Berlin.

La maison du pasteur toute entière communique la foi protestante, le sérieux, l'héritage luthérien et glorifie la vie familiale. L'exposition traduit cette sémiologie totale, où tout fait signe et converge vers un modèle religieux original, fondé sur la famille, exemplifié par le pasteur : les vêtements, la décoration des pièces, les postures et le placement de ses habitants. On peut penser aux fils de pasteur devenus célèbres : Friedrich Nietzsche (phiosophie), Ralph Waldo Emerson (littérature), Ingmar Bergman (cinéma) ou Thomas Bayes, Bernhardt Riemann (mathématiques)...
Nulle prétention sociologique n'anime cette exposition aux objectifs plutôt historiques mais comment ne pas imaginer, sur ce modèle, un travail d'analyse des univers domestiques ? Le ménage et le foyer sont des objets de recherche sous-estimés que les ciblages individuels conduisent à mal traiter et à réduire aux ménagères et aux chef de famille.


N.B. Pour un début de réflexion sur le foyer, le confort, etc. : Witold Rybczynski, Home. A short history of an idea, 1986, New York, Penguin Books, 256 p, Index.

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