lundi 18 août 2014

Usages des objets dans l'histoire et la littérature


Marta Caraion (sous la direction), Usages de l'objet. Littérature, histoire, arts et techniques. XIX-XXe siècles, Paris, Editions Champ Vallon, 2014, 278 p.

Prendre "le parti des choses" (Francis Ponge), entrer dans la littérature et l'histoire par les objets, fait assurément voir le monde autrement. D'abord en rappelant à quel point l'économie industrielle produit une pléthore d'objets. Sociétés du fétichisme des marchandises (Karl Marx) et de la reproductibilité (Walter Benjamin), les objets sont partout, pour faire (outils), pour décorer, distinguer, fantasmer. La propriété n'est-elle pas ce que l'on possède et ce qui nous définit, et finit par nous posséder ?

En seize contributions, l'ouvrage saisit les usages des objets sous des angles différents : le roman-feuilleton, le roman policier, la poésie, le voyage et les souvenirs, les expositions, les collections, les natures mortes photographiques, les plantes d'appartements, les aquariums, les trophées coloniaux, le commerce (grands magasins)... Les références classiques abondent (Baudelaire, Balzac, Gauthier, Zola, Ponge, Delille, Pérec, Valéry, Simmel) ainsi que la littérature française contemporaine (Pérec, Toussaint, Houellebecq, Le Clézio, Modiano, Quignard). Plus inatttendus et précieux, les développements sur les expositions universelles, sur l'exotisme et sur les "sciences" de l'oppression (cf. l'anthropologie et ses outils de pseudo-mesure, les trophées coloniaux).

Les objets dont parlent ces études sont des objets isolés. L'ouvrage nous laisse bien sûr aux portes des objets connectés et connectants, de l'Internet des objets, de la personnalisation calculée et programmée (data), distinction à la chaîne. L'ouvrage nous laisse aussi trop loin peut-être de l'Encyclopédie et du Larousse, des planches et des objets techniques (objets pour faire des objets). Peu d'allusions et de développements sur les catalogues et les dictionnaires, où se mêlent et se classent "les mots et les choses". Car il n'y a pas d'objets, de choses sans mots. Et peu de choses sans marque sans quoi elles ne se démarqueraient pas.

Partout dans l'ouvrage, court la critique de la matérialité (spiritualité), de la quotidienneté (événement) et de l'utilité (gratuité) qui distinguent les œuvres littéraires et artistiques des œuvres courantes. La critique de la publicité est constante : invasion des objets achetés, achetables (harcélement, tyrannie, désir, "appel publicitaire"). La hiérarchie des objets est socialement construite : les cadeaux, le photographiable, le mémorable et le collectionnable font l'objet de stratégies d'affiliation et de distinction que la publicité reprend à son compte et renforce mais qu'elle n'invente pas. Dans l'activité publicitaire, il y a des objets mais aussi des sujets consommateurs d'objets et de mots.

Ouvrage collectif au meilleur sens du terme : les contributions, pluridisciplinaires, se croisent, se réfléchissent et se complètent, servies par une introduction éclairante. Du point de vue du marketing, cet ouvrage invite à mieux concevoir une socianalyse de la consommation et des équipements (prix, design, etc.), de l'habitation qui les abrite.

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